Le bistro à vin l'Entre'Potes et le restaurant gastronomique Gajuléa ont pignon sur rue côte à côte.
Le hasard fait parfois bien les choses. D’abord, un repas du
midi pris à l’Entre’Potes au Barroux en Provence. Dites-moi, chef, donnez-vous
des cours de cuisine? «Non, me
répond-il, mais le chef du restaurant le
Gajuléa, lui, en donne. Attendez que je vous le présente. Je le fais venir.» Car ce qu’il faut comprendre, c’est que celui que
je rencontrerai dans quelques minutes est propriétaire non seulement du restaurant
gastronomique le Gajuléa, mais aussi de l’Entre’Potes où nous venons de nous
régaler d’une cuisine de bistrot tout à fait délicieuse.
Il arrive coiffé de
son chapeau. Il a une belle gueule, mon âge à peu près. D’abord, il nous
explique la formule des cours qu'il offre : «Vous formez une table avec, disons, quatre de vos
amis. Deux viendront avec moi en cuisine pour le cours pendant que les autres siroteront
un verre de vin. Le cours dure une heure trente minutes. Après, c’est la dégustation,
en salle, avec vos amis.» Voilà une belle proposition, mais qui ne nous convient
pas du tout. Nous expliquons alors à Michel Philibert que nous sommes du
Québec, que nous n’avons pas d’amis ici et que nous repartons dans une dizaine
de jours. Qu’à cela ne tienne, le chef décide de nous offrir un cours privé. «Qu’aimeriez-vous
apprendre, me demande-t-il?» Je ne m’attendais pas à cette question. Allez, Lou, réfléchis vite. Comme je suis en France,
le pays des sauces, tout de suite l’idée d’apprendre à faire un fond me vient à
l’esprit. Cette idée plaît au chef, d’autant plus qu’il pourra facilement
faire coïncider cet apprentissage avec son menu. Rendez-vous est pris pour le jeudi 2 mai à 18h30.
De retour aux Jardins de Marze où nous logeons, je consulte
mon ordi : mais qui est donc ce Michel Philibert? À travers les mots de Pierre Nicolas,
journaliste, j’apprends que c’est un grand chef du Vaucluse. Je suis aux anges.
Un de mes rêves les plus fous va pouvoir
enfin se réaliser : un cours de cuisine privé donné par un chef français
émérite, qui a travaillé comme saucier, et qui va m’enseigner comment réaliser
un fond et faire une sauce!
Voici ce que le journaliste Nicolas écrivait à son sujet dans
le Comtadin en septembre 2010 :
Certains ne supportent pas ne serait-ce que de cuire des pâtes. Michel Philibert, lui, fait à manger pour ses contemporains avec une passion intacte depuis quarante ans. Petite biographie d’un chef 100% vauclusien, qui a largement contribué à la réputation culinaire du département.
Certains ne supportent pas ne serait-ce que de cuire des pâtes. Michel Philibert, lui, fait à manger pour ses contemporains avec une passion intacte depuis quarante ans. Petite biographie d’un chef 100% vauclusien, qui a largement contribué à la réputation culinaire du département.
Certains chefs sont du genre inaccessible, presque comme des stars de ciné. D'autres sont au contraire secrets et taiseux. Et puis il en existe une autre catégorie, fort heureusement bien représentée dans notre belle région : les chaleureux, ceux qui aiment leur métier, qui ne demandent pas mieux que de l'expliquer, le transmettre, ceux pour qui la bonne table est avant tout une passion.
Michel Philibert appartient à cette catégorie. Ce chef illustre, membre des Maîtres Cuisiniers de France, a fait la plus grande partie de sa carrière dans le Comtat Venaissin. Il aime le Vaucluse, où il est d'ailleurs né. Et le Vaucluse le lui rend bien, car la renommée de ses deux tables successives - le «Saule Pleureur» à Monteux, puis le «Gajuléa» au Barroux est un sacré phénomène.
Dès l'adolescence
La passion de la cuisine lui vient de sa grand-mère, Germaine. Dès l'âge de 12 ans, il est fasciné par ses tours de main. Elle fait la cuisine pour les écoliers de Salon-de Provence. En août 1970, Michel qui vient d'avoir 16 ans la remplace au pied levé, alors qu'elle est tombée subitement malade. Chaque matin, il appelle Germaine, et elle lui transmet ses recettes, et ses secrets de cuisine. Là, il comprend sa vocation. Et le mois suivant, il commence son apprentissage, au restaurant du Lion d'Or, à côté de Nancy.
Il reviendra dans la région après son service militaire, et entrera en 1975 comme commis saucier à «l'Oustau de Beaumaniére», chez Jacques Picard, aux Baux de Provence. Une rencontre importante, puisque celui-ci sera des années plus tard son «parrain» aux maîtres-cuisiniers de France.
En 1976, il est premier commis chez Joe Rostang à la «Bonne Auberge», d'Antibes. Et en 1979, il devient le chef du Beffroi, à Vaison-la-romaine. Il y restera trois ans, avant de réaliser son propre projet : le Saule Pleureur», à Monteux.
Parti de rien
Pour un pari, cela en fut un beau. Au départ, il n'y avait rien : juste la maison familiale de sa première femme, Patricia. Le couple aménage cette belle maison pour en faire un restaurant, qui ouvre ses portes en juin 1982. Mais le savoir-faire de Michel Philibert, sa faconde et sa personnalité chaleureuse font rapidement l'objet d'un intense bouche à oreille. Et le «Saule-pleureur» ne tarde pas à devenir l'une des toutes meilleures tables du Vaucluse.
En 1989, une première étoile vient confirmer ce que dit la rumeur. Et dès lors, Michel Philibert connaît la célébrité. Il est sollicité de partout, conçoit, au côté de Paul Bocuse, rien moins que ça, des gammes de produits pour la marque William Saurin.
Un rythme de vie intensif, qu'il tiendra pendant 23 ans. Avant de revendre le «Saule Pleureur» à Laurent Azoulay en 2005. Pendant 2 ans et demi, il fait une pause, même si il continue à inviter ses amis pour des repas d'exception, chez lui, à Carpentras. En 2008, il ouvre sa nouvelle table, le «Gajuléa» - du nom de ses trois petits enfants, Gabin, Jules et Léa.
Aujourd'hui, Michel Philibert est un homme heureux, qui aime toujours autant son métier, sans se poser en donneur de leçons. «Dans la cuisine, on apprend tous les jours, et il est même essentiel de savoir se remettre en question». Et même aujourd'hui, il continue à faire à manger pour les enfants, comme l'année dernière, où il a fait à manger pour la cantine de son village. Histoire, peut-être, de transmettre à son tour le «virus» que lui a inculqué sa grand-mère Germaine…
Avant de débuter le cours proprement dit, on prend quelques minutes pour boire un bon petit blanc de la région. Sur la photo, à gauche, Épouxcurien aux côtés du chef Michel Philibert.
Après avoir écossé des petits pois qui entreront dans la confection du velouté de petits pois frais, on s'attaque au filetage du turbot sous les enseignements du chef.
Je n'ai jamais fileté un poisson, mais l'expérience que j'ai acquise au fil des ans sur les blancs de volaille m'est utile ici. Inutile de penser faire du bon travail, si on n'a pas en mains un couteau conçu pour fileter le poisson et dont la lame a la particularité d'être flexible.
Le chef Philibert se dit pleinement satisfait du résultat de mon travail. Ce compliment me remplit d'orgueil comme on peut le lire sur mon visage.
C'est dans la bonne humeur qu'Épouxcurien procède aussi au filetage du turbot. Quand les quatre filets auront été levés le chef procédera lui-même à la délicate et difficile opération qu'est le retrait de la peau.
À ma demande, David, un des deux sous-chefs du restaurant, m'enseigne le fonctionnement du siphon qui servira à réaliser l'écume de lard fumé qui accompagnera le velouté de pois verts frais.
Voici le menu en vigueur lors de notre passage au Gajuléa. Si nous avions été en hiver, la carte du chef Philibert aurait proposé différents plats à base de truffes noires fraîches du Ventoux. Le chef, spécialiste de la truffe, a rédigé un livre de recettes qui vient tout juste de paraître intitulé Mon Ventoux, ma truffe, ma passion.
Début du dressage. Des fèves (appelées gourganes au Québec) sur lesquelles a été versée la sauce réalisée à base du fumet de turbot seront d'abord déposées dans l'assiette creuse. Le sous-chef ajoute quelques morilles avant que le chef Philibert y superpose un morceau de filet de poisson.
En garniture, un couteau est déposé sur le poisson, accompagné de chip de prosciutto et de quelques pousses.
Une cassolette de petits légumes terminera le montage de l'assiette.
Une cassolette de petits légumes terminera le montage de l'assiette.
Résultats : Un plat absolument délicieux qui tient ses promesses grâce, entres autres, à la sauce absolument divine qui accompagne à ravir les fèves, c'est totalement umami!, et qui relève comme il se doit le poisson blanc qui est cuit de façon impeccable.
Fumet de turbot et sa sauce
4 portions
la tête, les arêtes et les os d'un turbot de 1,5 kg (duquel auront été levés les 4 filets)
1 gros oignon haché grossièrement
1 poireau haché grossièrement
2 carottes hachées grossièrement
1 bouquet garni classique (thym, laurier, persil)
1 litre de vin rouge du Ventoux
1 litre d'eau
fécule de maïs (maïzena)
3 c. à soupe de crème fraîche (au Québec de la crème 35% à cuisson fera l'affaire)
50 g de beurre
sel de Maldon et poivre du moulin
Rincer la tête du turbot ainsi que ses arêtes et ses os. Déposer le tout dans un grand faitout.
Ajouter les légumes, le bouquet garni, le vin et l'eau. Saler et poivrer. Amener à ébullition. Baisser le feu et laisser mijoter, à découvert, à feux moyen-doux jusqu'à ce que le liquide ait réduit de moitié. Écumer en cours de réduction si nécessaire.
Passer le fumet au chinois tapissé d'une étamine (coton à fromage).
Pour réaliser la sauce : délayer le maïzena dans un peu de fumet refroidi. Remettre le fumet sur le feu, incorporer la maïzena, mélanger et reprendre l'ébullition (ici le chef n'a pas spécifié la quantité de fécule de maïs et j'ai oublié de lui demander). Incorporer la crème en touillant bien et réchauffer la préparation sans la faire bouillir. En dehors du feu, au fouet, monter la sauce au beurre.
Voilà!
Voilà!
Merci au chef Philibert et à sa femme Cathy pour leur charmant accueil et leur merveilleuse table!
Formidable!! Une recette et un souvenir inoubliables!!!
RépondreSupprimerWow!!!! Merci à toi pour ce fabuleux partage et ces merveilleuses photos!!
RépondreSupprimerQuelle expérience sympathique, Lou ! et quelle assiette ... J'aurais bien été en salle à ce moment-là ! ;o)
RépondreSupprimerBisous
Hélène
Je suis heureuse pour vous deux,mais surtout pour toi, pour ces moments de bonheur qui vous resteront en mémoire.
RépondreSupprimerBien amicalement Chris 06
Ok, j'aurais vraiment voulu être là avec vous! Quel bonheur, c'est toute une journée!
RépondreSupprimerJ'aurais aimé être là...surtout que la dernière fois que j'ai voulu lever des filets sur un poisson...ça a fini comme massacre à la tronçonneuse !!!!
RépondreSupprimerbelle journée
Une très jolie recette, magnifiquement présentée j'adore :)
RépondreSupprimer¸.•°❤❤⊱彡
RépondreSupprimerPassei para uma visitinha!
Estou encantada com seu blog.
Boa semana!
Beijinhos do Brasil.
¸.•°❤❤⊱彡
Tu es rayonnante. Tu as dû passer un moment très agréable. Veinarde.
RépondreSupprimerA bientôt
Rien qu'en te lisant je sens les fumets qui se dégageaient en cuisine ! Voici une expérience inoubliable qui figure j'en sûre au rang des raisons qui te font retourner l'an prochain en Provence... et je m'en réjouis ! Bises, Françoise
RépondreSupprimerTrès belle table. Le turbot est un poisson délicieux et onéreux. Il ne faut pas se tromper dans la cuisson. Je retiens la recette.
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